Des mémoires qui utilisent la chaleur pour stocker l’information
Les composants électroniques chauffent et c’est d’ailleurs une source de problèmes et de pertes énergétiques. Mais saviez-vous que certains composants utilisent la chaleur comme un levier pour stocker de l’information ? Une équipe de l’IEMN s’intéresse aux propriétés thermiques des matériaux dits « à changement de phase » utilisés dans ces mémoires d’un genre nouveau. Les résultats sont publiés dans la revue Journal of Applied Physics.
Les mémoires à changement de phase possèdent de nombreux avantages parmi lesquels une grande capacité de miniaturisation, une consommation réduite et la capacité de conserver leur dernier état après utilisation, d’où le qualificatif de non-volatile. Cette propriété très utile vient du matériau utilisé, dans notre cas le GeSbTe, un verre de la famille des chalcogénures qui possède une phase désordonnée, électriquement isolante, et des phases cristallines conductrices. Les mémoires PCM (Phase-Change Memories) utilisent une couche fine de ce matériau et des électrodes qui viennent échauffer une zone nanométrique de matériau pour réaliser la transition (réversible) entre les phases amorphes et cristallines. L’information est donc stockée et lue en mesurant la résistance électrique de cette zone, le « point mémoire ».
Cette technologie, déjà utilisée dans l’électronique automobile par exemple, implique des défis considérables en termes d’ingénierie de matériaux car localement le point mémoire atteint des températures supérieures à 600°C lors de la fusion. Réussir à confiner un tel dégagement de chaleur sur une zone de quelques nanomètres et sur une durée inférieure à une microseconde nécessite de connaître les propriétés, en particulier thermiques, du matériau en fonction de la température. Par ailleurs, la composition du matériau est d’une grande complexité et ses propriétés ne sont pas toujours connues précisément.
En utilisant la méthode de thermométrie Raman, nous avons pu mesurer, en fonction de la température et de son état de cristallisation, la conductivité thermique du GeSbTe. La méthode utilise la mesure du spectre de diffusion Raman, véritable empreinte digitale du matériau qui révèle des informations sur sa composition et sa phase. Certains pics de diffusion dépendent de la température locale et constituent de véritables thermomètres que nous pouvons calibrer pour mesurer, sans contact, avec un laser, l’échauffement du matériau. L’analyse de cet échauffement en fonction de la puissance du laser nous permet d’en déduire la conductivité thermique.
La richesse de cette technique réside dans le fait qu’elle permet d’obtenir des informations thermiques et structurales simultanément. Cette étude, publiée dans Journal of Applied Physics ouvre la voie à l’analyse de nombreux autres matériaux utiles pour les mémoires, les télécommunications, l’optique, les détecteurs et bien d’autres applications.
Reference :
Thermal characterization of Ge-rich GST thin films for phase change memories by Raman thermometry.
Akash Patil, Yannick Le-Friec, Pascal Roussel, Yves Deblock, Simon Jeannot, Philippe Boivin, Emmanuel Dubois et Jean-François Robillard
Journal of Applied Physics 136, 175102 (2024).
https://doi.org/10.1063/5.0226265